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Collectivités territoriales : label or not label, telle était la question

Pour motiver les équipes, les manager, faire travailler ensemble différents services..., les marques et labels sont importants aux yeux des gestionnaires de services d'espaces verts.PHOTO : PASCAL FAYOLLE

Labels : stratégies, retombées, crédibilité ? Tel a été le thème des discussions des rencontres territoriales des directeurs des espaces verts et de l'environnement, organisées les 20 et 21 novembre dernier par l'AITF (1), le CNFPT (2) et la ville de Nantes (44).

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Nombreuses sont les collectivités territoriales, petites ou grandes, qui affichent haut et fort labels, chartes et autres certifications pour mettre en avant leur patrimoine vert et naturel ou leur engagement dans des démarches de développement durable de leur territoire : Villes et villages fleuris, Capitale verte européenne, Capitale française de la biodiversité, Rubans du développement durable, Pavillon bleu, Jardin remarquable, EcoJardin... Quel intérêt en retirent-elles ? Quelle lisibilité pour les citoyens ? Ces questions ont été débattues lors de riches échanges entre spécialistes de la communication publique, responsables de services d'espaces verts, paysagistes concepteurs et élus, en novembre dernier.

Dans la jungle des labels, comment s'y retrouver ?

L'introduction à ces journées d'échanges a été l'occasion d'apporter quelques précisions de vocabulaire afin de mieux comprendre de quoi on parle. La marque, - courante dans le secteur de la consommation et le plus souvent identifiée par un logo -, est un signe qui permet au consommateur de distinguer le produit ou le service d'un fabricant, d'une entreprise, de ceux proposés par les autres. Il existe des marques simples et des marques collectives. Dans ce dernier cas, elles rapprochent des entreprises qui souhaitent adopter une stratégie commune (par exemple « produit en Bretagne »). On distingue deux types de marques collectives. Celle dite « simple » est soumise au droit commun des marques et a pour fonction de garantir l'origine de produits ou de services proposés par des professionnels appartenant à une même organisation. Celle dite « de certification » offre en plus une garantie de conformité des produits ou services revêtus de la marque, s'appuyant sur un référentiel et validée par un organisme certificateur indépendant. On devrait alors parler de marque de certification ou de signe de qualité. Mais en langage courant, on a tendance à les dénommer labels, alors que théoriquement ce terme est réservé à des domaines particuliers de certification de produits agricoles, forestiers, alimentaires ou de la mer qui sont réglementés par le code de la consommation et par le code rural, à l'image du Label rouge.

Cette première partie a ensuite permis d'apporter un éclairage à la multitude de ces signes de qualité ou labels. Sans avoir la prétention d'être totalement exhaustive, Aurore Micand, chargée de mission à Plante & Cité, en a recensé plus d'une trentaine, rien que pour le domaine paysage, nature et environnement ! Une classification a été proposée sur la base de deux critères : l'échelle concernée (plante, site, territoire) et le domaine (cadre de vie et développement durable ; nature et biodiversité ; aménagement, paysage urbain, art des jardins).

Un outil de management des équipes

Pour les collectivités de la première table ronde, les marques et labels constituent un outil de management des équipes car ils offrent la possibilité de dynamiser le travail quotidien des agents de terrain et de fixer des objectifs de progression. Cela permet aussi de valoriser les actions menées par un service auprès des autres services de la collectivité, ainsi qu'auprès des élus et de rendre plus lisible l'action politique auprès de la population. Et en ce qui concerne les démarches de labellisation liées à des domaines transversaux (développement durable, climat, énergie...), cela favorise le développement d'approches interservices encore peu courantes. Thierry Charmaty, de la direction des routes et du patrimoine paysager au sein du conseil général de Dordogne, témoigne : « Dans ce département très rural, la mise en avant de nos actions à travers différents labels a aidé à faire connaître nos actions et nos savoir-faire auprès des petites communes disposant de peu de compétences internes. Elles nous ont sollicité par la suite pour des conseils. Cela a permis de renforcer la dynamique territoriale globale en faveur de l'amélioration des pratiques, grâce à la création d'une charte départementale. » À Nantes, Jacques Soignon, directeur du service des espaces verts et de l'environnement, renchérit : « Le besoin de trouver les moyens de motiver les équipes existe aussi dans les grandes villes. Pour ne retenir que le label Villes et villages fleuris, le passage du jury tous les trois ans est un moment attendu pour les équipes et pour la commission "fleurissement et paysage" qui réunit sur la base du volontariat tous ceux qui souhaitent s'investir dans cette réflexion sur le fleurissement. Le choix d'un thème différent chaque année nous permet de ne pas tomber dans la routine et de rechercher toujours de nouvelles collaborations à l'extérieur. Quant au concours Capitale verte européenne, que nous avons remporté en 2013, sa préparation a été un moyen fort de travailler en réseau avec les autres services de la ville et de poursuivre notre stratégie de communication qui souhaite présenter Nantes comme une cité attractive pour son patrimoine vert. »

Ces points de vues sont partagés par les élus comme en a témoigné Fabienne Padovini, l'une des cinq élus en charge des espaces verts, de la nature et du paysage au sein de Nantes : « Les labels, ce n'est pas une course aux récompenses. Indéniablement, ils permettent de nous interroger sur nos pratiques, de les évaluer par le biais d'un regard extérieur, de nous pousser à expérimenter, d'aller toujours plus loin... » Et Magali Ordas, adjointe à la ville de Versailles (78) de compléter : « Les démarches de labellisation permettent aussi d'acculturer et de sensibiliser les élus sur les actions menées par les services techniques. Un passage obligé pour qu'ils soutiennent les démarches innovantes qui sont parfois difficiles à accepter par les populations, à l'image des changements de pratiques d'entretien des cimetières. Ils permettent aussi de rappeler que le temps de la nature est bien plus long que celui des élus... »

Côté maîtrise d'oeuvre, Loïc Mareschal, paysagiste concepteur (agence Phytolab, à Nantes), souligne l'intérêt de ces labels pour renforcer les liens avec la maîtrise d'ouvrage et mettre sur le devant de la scène des projets parfois innovants qui peuvent servir d'exemple.

Un atout pour le développement touristique et économique

Même si elles ne disposent pas d'études approfondies permettant de le démontrer, les collectivités qui ont participé à la seconde table ronde ont le sentiment que les labels ont été des atouts pour le développement touristique et économique de leurs territoires. Pour Joël Labbée, sénateur du Morbihan et initiateur de la loi éponyme, les labels (communes du monde, Agenda 21, Capitale française de la biodiversité, 3 fleurs...) ont permis à la petite commune de près de 3 900 habitants dont il a été le maire entre 1995 et 2014, Saint-Nolff, près de Vannes (56), de créer un cadre de vie de qualité axé sur la préservation des richesses et des ressources naturelles. Avec à la clef une attractivité marquée de ce petit bourg rural qui a vu sa population augmenter régulièrement avec des jeunes familles désireuses de s'installer dans un environnement sain. Pour la région Picardie, Françoise Van Hecke, élue en charge du fleurissement au conseil régional, explique qu'« une étude datant de 2007 sur la fréquentation des parcs et jardins a montré que les plus plébiscités étaient des grands jardins, à l'image de celui de Valloires (80), du parc de Chantilly (60) ou de la roseraie de Rambures (80). Si certains sont labellisés Jardin remarquable, ce n'est pas le cas de tous. La labellisation est un facteur d'attractivité mais ce n'est pas le seul. En revanche, concernant le label Villes et villages fleuris, il est incontestable qu'il favorise la visite des touristes en particulier pour les petites communes. Fort de ce constat, la région a développé sa communication autour du thème Picardie, destination nature, et lancé un festival, Jardins en scène, qui propose des spectacles dans les jardins, à l'origine sur quatre week-end par an et désormais de mai à octobre. Une démarche qui favorise le tourisme et permet aussi de faire venir des visiteurs locaux ».

À Nantes, le jardin des Plantes représente aujourd'hui l'un des sites les plus visités de l'agglomération et la Folie des plantes attire chaque année de plus en plus de monde. Autre exemple : la présence d'une collection nationale de magnolia labellisée par le CCVS (conservatoire des collections végétales spécialisées) a permis de créer une dynamique au sein des pépiniéristes locaux avec la diffusion de variétés estampillées « magnolia de Nantes ».

Des retombées difficiles à mesurer

Pour Arnaud Renou, responsable communication à la ville de Nantes, les labels sont intéressants pour s'interroger sur la façon dont on souhaite parler de son territoire et de ses projets. La difficulté pour une action comme Capitale verte européenne a été de rester mobilisé sur plus d'un an, de toucher non seulement les élus en charge des espaces verts mais aussi les autres et de rendre lisible ce projet auprès des citoyens. La lisibilité pour le grand public, c'est principalement là que le bât blesse selon Patrick Glémas, président de l'Association des journalistes du jardin et de l'horticulture. Si tous les professionnels reconnaissent qu'il n'existe pas vraiment d'études précises permettant de mesurer concrètement l'impact des labels sur le plan économique, touristique ou même de la notoriété des communes, force est de constater que le point de vue des usagers a encore moins été analysé. Dans le domaine de la consommation, une étude a montré que seul un tiers des personnes s'intéresse aux labels et que plus les personnes sont jeunes, moins elles se sentent concernées. Pour Patrick Glémas, le nombre pléthorique de labels nuit à leur bonne lisibilité, d'autant qu'un certain nombre ne s'adresse qu'aux professionnels. Les seuls qui semblent tirer leur épingle du jeu dans le domaine des espaces verts et du paysage sont les labels Villes et villages fleuris et Jardin remarquable ou Capitale verte. Cela s'explique par le fait que les résultats sont facilement visibles sur le terrain pour le tout un chacun. Les fleurs, les plantes c'est parlant, la biodiversité, le développement durable, le « zéro pesticides » beaucoup moins.

Yaël Haddad

(1) Association des ingénieurs territoriaux de France. (2) Centre national de la fonction publique territoriale.

Victoire du paysageLa commune du Pouliguen (44) a été couronnée Victoire du Paysage en 2010 pour cet aménagement paysager de bord de mer.

PHOTO : PHYTOLAB

Charte de gestion raisonnéeLe département de la Dordogne a établi une charte dans l'objectif d'inciter les communes à réduire l'usage des pesticides.

PHOTO : CG 24

Jardin remarquableLa roseraie de l'abbaye de Chaalis (60) a été classée Jardin remarquable de Picardie. Elle affiche haut et fort ses distinctions.

PHOTO : VIRGINIE POTDEVIN

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